| 09 décembre 2021 |
Exposition personnelle à Nyon (Suisse): Traces...
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Noir et blanc, rouge parfois, mat ou brillant, carré toujours. C’est ainsi que nous pourrions synthétiser par la forme les œuvres présentées par Bernard Boujol dans cette exposition. Quant au fond, l’artiste nous invitera à laisser libre cours à notre propre imagination, suivant l’indice contenu dans le titre de l’exposition : « Traces ».
Nous y détaillerons ainsi les relevés stratigraphiques d’un chantier de fouille archéologique, ou bien le ressac lent des vagues sur une plage sans vent.
Nous y visiterons la caverne de Platon peuplée de nos frères et sœurs de sang, de cœur, de pays, de combat, d'humanité, ou bien les formes évanescentes de nébuleuses aussi lointaines que fascinantes.
Nous y suivrons la tache d'huile qui se répand sous une voiture à emmener au contrôle technique, ou bien les méandres tortueux composant le delta d'un fleuve majeur photographié depuis la Station Spatiale Internationale.
Nous y craquèlerons la couche de sucre caramélisé sur une crème brûlée au chalumeau, ou bien la terre calcinée par les méga-incendies des forêts amazoniennes, australiennes ou californiennes.
Nous y distinguerons les empreintes ténues de quelque animal dans la boue séchée d’une campagne après la pluie, ou bien la course coordonnée d’une constellation de satellites qui empêchera bientôt nos enfants de savoir ce qu’est une nuit étoilée pour le profit d’un seul homme.
Nous y observerons nos propres pensées, souvenirs, rêves et préoccupations, des fragments de notre univers intérieur révélés par l’entremise de ces œuvres, tels des miroirs. Comprenant cela, nous nous interrogerons sur les traces que nous laissons nous-mêmes en ce monde. Sont-elles des signes tracés sur du papier, des paroles marquant les âmes, des gestes soignant des corps, des sillons creusés dans la terre ? Que disent de nous ces traces-là ?
Les œuvres de Bernard Boujol ne se donnent pas au premier regard : pour en saisir l’essence, il faut arrêter le cours de nos vies effrénées et prendre un instant de réflexion, ou plutôt de simple observation. Un instant de calme, purement visuel, pour que la vie ordinairement tumultueuse se taise et que de ce silence émergent les voix intérieures de notre instinct. Écoutons-les attentivement.
L’artiste nous demandera alors quel est l’avenir des arts plastiques, dans un monde où ces instants semblent reléguer à l’exceptionnel, et quel est l’avenir de ces expérimentations où l’on accepte de se laisser guider par des coulures de peinture plutôt que par des likes dématérialisés sur des réseaux algorithmés.
Vous qui viendrez admirer ses œuvres, répondez-lui que nous autres humains aurons toujours besoin du calme de quelques instants précieux pour supporter le chaos constant que nous semons et qu’il appartient aux artistes de nous le rappeler aussi souvent et puissamment que possible.
Héloïse Pocry [ LEMANCOLIE.CH ]
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